William Wilson est venu me voir à l’heure du thé. Il m’apportait un modeste bouquet un peu fané et un livre. J’ai pensé qu’il voulait s’excuser pour ce qui s’était passé l’autre jour. Moi, en tout cas, j’y avais beaucoup pensé, et pourtant je n’arrivais pas à me faire une opinion sur ses étonnantes révélations. William Wilson ne s’était pas annoncé au préalable et sa visite m’a un peu prise au dépourvu. Je ne trouvais rien à lui dire et, comme ce n’est pas un grand bavard, nous sommes vite tombés dans un silence qui me semblait tantôt paisible et tantôt oppressant. Je l’ai rompu en lui demandant quel était ce livre qu’il m’avait apporté et qu’il avait posé à l’envers sur la table de la terrasse, de sorte que je ne pouvais pas voir son titre. Il a souri et a retourné le volume jaune. C’était un recueil de poèmes d’Emily Dickinson. Il l’avait retrouvé, me dit-il, dans ses affaires et s’était souvenu soudain que c’était ma sœur qui le lui avait prêté, des années auparavant. A sa manière habituelle, il s’est excusé profusément de ce retard exagérément prolongé et m’a demandé des nouvelles de mon aînée. J’ai subitement compris qu’il n’était pas au courant de sa mort ni des événements qui l’avaient précédée. Je lui ai donc appris la nouvelle. William Wilson a semblé presque effondré ; je ne crois pas qu’ils aient été si proches, même si elle lui avait prêté son livre ; c’est plutôt qu’il est excessivement sensible. A la fois pour lui donner le temps de se remettre, et pour mettre ses sentiments à l’épreuve, j’ai entrepris de tout lui raconter. Il m’a écoutée attentivement sans rien dire. Quand mon récit a été fini, il s’est levé et m’a remerciée, puis il est parti très vite. Je me suis demandé s’il reviendrait. Je n’en suis pas si sûre.
Romanesque. « Quand mon récit a été fini… », cette phrase qui incite à poursuivre.
Moi aussi ça m’incite à poursuivre… mais je ne sais pas encore quelle forme ça prendra !